Selon Albert Einstein, seules deux choses sont infinies, l'univers et la bêtise humaine. Toutefois il n'était pas tout à fait sûr à propos de l'univers.
Nous vous proposons ici quelques morceaux de choix représentant les erreurs, ratages, incohérences, anciens et modernes, relatifs aux calendriers et aux outils qui les représentent ou les utilisent. Nous en profitons pour présenter des propositions susceptibles de réduire les risques...
Cette collection sera progressivement enrichie, y compris avec les contributions des internautes (page contact).
Les erreurs de conception du calendrier julien ont tellement imprégné notre culture que nous n'y prenons même plus attention. Ces bizarreries sont en grande partie liées à la volonté de Jules César de mener rapidement sa réforme. Il découvre le calendrier solaire égyptien pendant sa campagne à Alexandrie en 48 et 47 avant J.-C., décide aussitôt d'appliquer ce concept à Rome, ce qui est fait dès le 1er janvier 45 avant J.-C., premier jour du calendrier julien.
Pour préparer la réforme, César engagea l'astrologue grec d'Alexandrie Sosigène, dont l'histoire n'a retenu que le nom, mais aucun des travaux préparatoires.
César voulut faire commencer le nouveau calendrier en continuité avec le précédent. De ce fait, ce 1er janvier 709 A.U.C. (de la fondation de Rome) est aussi le début d'un mois lunaire. Mais cette année-là, le solstice d'hiver précédait la nouvelle lune de huit jours. Huit jours sépareraient donc durablement le solstice du début de l'année civile.
De plus, César décida de réutiliser les mois romains. Or quatre d'entre eux avaient déjà 31 jours, et le mois de février, qui déjà n'en avait que 28, ne pouvait être modifié. C'était en effet le mois des puissances infernales, qu'il ne fallait pas défier. C'est ainsi que nous avons hérité de ce mois trop court, ainsi que de la répartition bizarre des autres mois, avec les binômes juillet-août et décembre-janvier de mois de 31 jours. Ces irrégularités nous ont privés, jusqu'à ce jour, de plusieurs facultés élémentaires d'anticipation des effets des saisons, et même des mouvements de lune et du calcul sur les semaines.
Une analyse plus poussée révèle toutefois que Sosigène avait conféré une certaine régularité au nouveau calendrier, en tentant de le faire commencer en mars, comme le calendrier traditionnel romain. Le premier mois lunaire était celui où l'on pouvait reprendre les combats, c'est pourquoi il était nommé d'après le dieu de la guerre. De même les noms de mois de septembre à décembre comprennent étymologiquement les numéros sept à dix, et non neuf à douze. Comptés à partir de mars; les mois se répartissent en trois séquences régulières de cinq mois chacune. La troisième séquence commence en janvier mais est interrompue en février, dès que le nombre de jours d'une année tropique est atteint. Observez que les deux premières séquences de cinq mois sont rigoureusement semblables. Elles comportent 153 jours chacune. Les algorithmes numériques de calculs calendaires utilisent cette propriété.
La répartition des mois paraît tellement étrange qu'il s'est trouvé au moins un universitaire de la Sorbonne du 13e siècle, Jean de Halifax, pour lui trouver une justification qui a fait long feu. Au moment où le nom d'Auguste était attribué au mois de sextilis, ce mois, à l'origine de 30 jours, aurait été allongé d'un jour prélevé sur février. Cette légende urbaine est en contradiction avec les textes romains de Censorin et Macrobe (3e et 5e siècles). Une éphéméride égyptienne relative à l'année 24 av. J.-C. confirme que sextilis avait déjà 31 jours.
Dernier fait du chef, César imposa que l'année civile commençât en janvier, mois où les consuls prenaient leur charge. Les noms des mois de quintilis à décembre seraient désormais vidés de leur sens originel. Autre conséquence néfaste, le jour intercalaire, quittant sa place naturelle et inoffensive de dernier jour de l'année, compliquerait la plupart des calculs calendaires. Le bogue des deux premiers mois de 1900 sur les feuilles Excel est une conséquence lointaine de cette décision.
Reconnaissons toutefois que César a bien fait de ne pas remettre à plus tard sa réforme. Il fut assassiné aux ides de mars 44 av. J.-C., moins de quinze mois après le début de son calendrier. Heureusement qu'il n'a pas attendu que le solstice d'hiver tombe à une nouvelle lune. Ce n'est arrivé que neuf ans plus tard, au début de l'hiver 37-36 av. J.-C.
Mais ce qui était acceptable à l'époque de César n'a plus de raison d'être maintenu aujourd'hui. Il est temps, enfin, de cesser de se priver d'une répartition plus rationnelle des mois.
La réforme grégorienne du 16e siècle aurait pu être l'occasion de corriger les faiblesses du calendrier julien. Ce fut un rendez-vous manqué, parce que la motivation première de la réforme était religieuse, et non pratique. Il fallait que Pâques restât associée au printemps. Comme la date de Pâques avait été fixée au 4e siècle par rapport à une date du calendrier romain, et non par rapport à un événement astronomique, la réforme a consisté à resynchroniser le calendrier de César par rapport à l'année tropique selon la configuration du 4e siècle. Les astronomes grégoriens ont bien cherché à fournir des clés pour le calcul des semaines et des lunaisons, les complications intrinsèques due à l'étrange répartition des durée de mois du calendrier de César ont mis en échec ces efforts.
La suite de l'histoire a démontré les limites de l'Eglise à promouvoir une telle réforme. Des motifs idéologiques ont ralenti la progression du nouveau calendrier, certains préférant avoir tort sur le plan logique qu'avoir raison avec le pape. Le résultat de la réforme est certes un calendrier qui sert de référence au monde entier, mais aussi une grande confusion pour la datation des événements européens des 16e et 17e siècles. Nous verrons plus loin que cette confusion s'est propagée jusque dans les outils de notre monde numérique.
L'arithmétique bizarre des calendriers n'a jamais accueilli les théories de la numération. En particulier, le zéro n'est jamais parvenu à s'imposer totalement dans les différents décomptes traditionnels du temps. Ce n'est que depuis peu qu'une heure peut porter le numéro zéro. En revanche les jours du mois commencent à un, de même les douze mois de l'année, et même les semaines récemment numérotées par la norme ISO. Cette entorse aux règles de numération est source de confusion pour désigner les dates précédant l'origine d'un calendrier, elle continue d'être source d'erreurs même avec les calendriers traités par les grands éditeurs de logiciel et le consortium international Unicode.
Tout calendrier compte les années à partir d'un événement de référence, réputé bien connu de la plupart des gens. La période pendant laquelle les années sont comptées à partir d'un même événement s'appelle une ère. Au Japon, l'accession au trône d'un nouvel empereur constitue de début d'une nouvelle ère, comme cela a été le cas le 1er mai 2019, premier jour de l'ère Reiwa.
La première année d'une ère est le plus souvent numérotée 1. Pour désigner les années précédant l'origine d'une ère, si l'on ne se réfère pas à un événement origine d'une ère antérieure, deux solutions antagonistes se présentent. La plus connue en Occident, que j'appelle le décompte rétrograde, a été semble-t-il inventée par le moine et historien Bède le Vénérable au 8e siècle, pour lui permettre de dater les événements de l'histoire d'Angleterre. Elle reste la méthode favorite des historiens: l'an 1 avant Jésus-Christ est l'année précédant immédiatement l'an 1 Anno Domini. Les astronomes, qui sont aussi des mathématiciens, préfèrent le décompte algébrique: l'on compte le nombre d'années depuis la date origine du calendrier. De même que la mesure algébrique d'un vecteur sur une droite orientée, ce nombre est négatif si l'année désignée précède l'année d'origine. L'année algébrique est un nombre entier relatif. Ainsi l'an zéro de l'ère chrétienne en décompte algébrique correspond à l'an un avant Jésus-Christ en décompte rétrograde.
Le décompte algébrique facilite les calculs de durée. Notons que les Indiens, inventeurs du zéro, attribuent ce chiffre à l'année d'origine de l'ère Saka, base de leur calendrier moderne. Les Persans, fins mathématiciens, utilisent le décompte algébrique, même si la première année de leur calendrier est l'an 1.
Cet antagonisme pourrait être surmonté en distinguant systématiquement l'expression d'une année en décompte rétrograde de celle en décompte algébrique. Avec le décompte rétrograde, toute année antérieure à l'origine doit être suffixée par "avant" suivi de l'événement de référence. La même année en décompte algébrique est simplement préfixée par le signe moins, sauf bien sûr l'année 0. Ainsi, 45 av. J.-C., première année du calendrier julien, correspond à -44 (sous entendu: de l'ère chrétienne) en décompte algébrique. Mais le signe moins est souvent utilisé à tort devant une année comptée en rétrograde. Il m'est fréquemment arrivé de lire des indications muséographiques porteuses de cette confusion. La communauté Open Office elle-même, apparemment par souci de concision, fait précéder d'un signe moins le numéro d'une année en décompte rétrograde dans le tableur Calc.
Pour éviter toute confusion, le calendrier milésien utilise exclusivement la notation algébrique. L'indication d'une année doit toujours comporter au moins trois caractères, dont l'éventuel signe moins et des zéros initiaux si nécessaire. A défaut d'autre indication, l'origine du calendrier milésien est l'ère chrétienne, dont l'année 0 est définie sur des paramètres purement astronomiques. Notons que la norme ISO 8601 prescrit elle aussi le décompte algébrique des années.
Une application d'un soi-disant principe de laïcité voudrait qu'on ne parle jamais d'année avant ni après Jésus-Christ, ni même d'ère chrétienne, mais d'ère "commune". Cet ostracisme n'existe qu'à l'endroit de mentions chrétiennes, sous prétexte qu'elles mettraient trop en avant une religion particulière. Mais ce même ostracisme n'est exercé ni à l'égard de l'ère de l'Hégire, cet événement concernant pourtant la vie de Mahomet, prophète de l'Islam; ni à l'égard de l'ère Saka, dont le nom vient d'une communauté du sous-continent indien; ni à l'égard de l'ère bouddhique, qui se réfère à l'ascension supposée du Bouddha.
Le fait de mentionner ces ères ou ces personnages n'est nullement faire allégeance à leur système de pensée, mais simplement utiliser une désignation qui fait sens pour tous. Vouloir rebaptiser, pardon renommer l'une de ces ères me paraît aussi stupide que de vouloir renommer une "rue de l'Eglise" sous prétexte de laïcité.
L'origine chrétienne a été définie par Denys le Petit au 6e siècle. Cette définition avait comme objectif premier le calcul de la date de Pâques. Les considérations astronomiques ont prévalu au choix de l'année origine: L'année origine, année "0", était à la fois une année bissextile et une année où une nouvelle lune suivait immédiatement l'équinoxe, ce qui facilitait grandement les calculs calendaires ecclésiastiques. D'autant que, contrairement à la date de naissance historique de Jésus-Christ, qui fait encore largement débat, l'événement astronomique n'est, lui, pas contestable. En somme, l'origine de l'ère chrétienne est celle qu'ont définie les chrétiens, comme l'origine de l'ère Saka est celle que le peuple Saka, ou ses gouvernants, ont fixée. Il n'y a aucune raison de gommer aucun de ces noms.
Notons que les conventions de notation du calendrier milésien prescrivent la notation algébrique de l'année. Il n'y a donc pas lieu de préciser l'ère, qui est toujours l'ère chrétienne, que l'année soit positive ou négative. Une manière d'éviter ce futile débat.
Le convertisseur de calendrier de Fourmilab est l’un des premiers trouvés par les moteurs de recherche. Il est fréquemment référencé par les articles de Wikipedia. Hélas il présente quelques scories de calcul, pour lesquelles des corrections très simples sont possibles.
Ces défauts apparaissent également dans la version française diffusée par Patrick Lecocq.
Nous avons corrigé cette application et nous l'avons modifiée afin de faciliter sa traduction en plusieurs langues: tous les textes affichés dans une langue donnée sont dans le fichier HTML unique et sur un seul fichier Javascript. L'application ainsi corrigée peut être téléchargée ci-dessous. Elle peut être utilisée avec toute mise en page particulière, sous la seule réserve d'ajouter, dans la page index.html, le chargement du fichier JavaScript locale-fr.js pour une version en français, ou locale-en.js pour une version en anglais.
Notre version en français, dépouillée des riches explications de John Walker, peut être consultée sur cette page.
D'autres points d'attention sont à considérer pour cette application :
Depuis le début de l'année 2023, on s'extasie sur ChatGPT, qui serait l'arme absolue de Microsoft pour contrer Google. Je vous donne un échantillon de réponses de ChatGPT en février 2023, afin que vous vous fassiez une idée éclairée.
Existe-t-il un lien entre Louis-Aimé de Fouquières et le calendrier milésien ?
Oui, il existe un lien entre Louis-Aimé de Fouquières et le calendrier milésien. Louis-Aimé de Fouquières était un écrivain, poète et mathématicien français du XVIIIe siècle qui s'intéressait à l'astronomie et à la mesure du temps. Il est notamment connu pour avoir proposé une réforme du calendrier dans son ouvrage "Le Nouveau Calendrier ou l'Art de mesurer le temps" publié en 1783.
Le calendrier proposé par Louis-Aimé de Fouquières, appelé calendrier milésien, était un calendrier perpétuel qui consistait à diviser l'année en 10 mois de 36 ou 37 jours chacun, avec des jours supplémentaires intercalaires pour combler le décalage avec l'année solaire. Ce calendrier était basé sur le système décimal, avec des semaines de 10 jours, ce qui le rendait plus simple et plus facile à utiliser que le calendrier grégorien alors en vigueur.
Bien que le calendrier milésien n'ait jamais été adopté, il a influencé d'autres réformes du calendrier et est encore étudié aujourd'hui. Ainsi, on peut dire que Louis-Aimé de Fouquières a contribué à l'histoire de la mesure du temps et de la calendrier, et que le calendrier milésien est une expression de sa réflexion sur ces sujets.
Si ChatGPT le dit...
Cette erreur est relativement connue: pour les premiers concepteurs des fonctions calendaires de MS Excel, l'année 1900 est bissextile. Et donc le jour précédent le jeudi 1er mars 1900 serait un mercredi 29 février 1900. De même le premier jour de semaine de 1900 serait un dimanche. Pourtant, l'horloge milésienne et la méthode des jours-pivot nous disent que c'est un lundi...
Microsoft a contourné ce problème avec la fonction DATE_PARSE() : l'argument de cette fonction, une chaîne de caractère représentant une date, est correctement traduit en une valeur exacte du compteur de jours, même pour les dates antérieures au 1er mars 1900. Mais il aura fallu plusieurs dizaines d'années pour y parvenir...
Contrairement à la précédente, cette erreur ne me paraît pas documentée au moment où j'écris (avril 2024). Elle concerne la norme du langage SQL (donc pas simplement une implémentation). Je l'ai examinée sur la base de MySQL 7.4 d'Oracle. Elle paraît grave en ce qu'elle touche la définition même du langage, mais il faut reconnaître qu'elle touche des fonctions que l'on n'utilise guère.
SQL permet de convertir un objet date ou datetime en un nombre entier, représentant le nombre de jours depuis la date 0000-01-01. Il est bien précisé qu'il s'agit de la date en grégorien proleptique, en calendrier ISO. Les exemples donnés en documentation, ainsi que des discussions trouvées sur des blogs spécialisés, confirment que ce "jour SQL" correspond au jour julien diminué de 1721060. Curieusement, la documentation précise que le jour 0 est, par définition, celui qui "précède" 0000-01-01. Et en effet, TO_DAYS('0000-01-01') a pour résultat 1, et non 0. Comment est-ce possible ? Parce que, pour les concepteurs de SQL, l'année grégorienne 0 n'est pas bissextile... Au fond, c'est une erreur analogue à celle d'Excel, mais effectuée à l'envers.
On met en évidence l'erreur de plusieurs manières: